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Le siège selon Gédéon l'ingénieur |
C'était le 42e jour de siège. La température était agréable et l'atmosphère était au beau fixe dans le camp. La fébrilité était toutefois palpable alors que les nouvelles étaient de plus en plus en faveur de l'arrivée de renforts. Les assiégés portaient toutefois tous armes et armures puisqu'on s'attendait à ce que le Duc d'Hardémont lance un assaut sous peu. Celui-ci voyait déjà planer le spectre de la défaite à l'horizon.
Jusque là, la forteresse avait tenu bon. Les béliers avaient endommagé les murs mais ils étaient encore solides. Les soldats du Duc ne pouvaient s'approcher des murs qu'à grands risques et préféraient attendre la réparation du grand trébuchet. Les réparations étaient maintenant presque complétées et la grande porte pourrait enfin tomber.
À l'intérieur du fort, l'activité était aussi intense alors que Gédéon l'ingénieur travaillait d'arrache-pied depuis plus d'une semaine à la complétion d'une catapulte et de pavois. De chaque côté, on pouvait compter sur deux puissantes balistes.
Jean de Morave et ses lieutenants étaient toutefois inquiets. La température allait tourner et la misère des hommes n'allait que s'empirer. La faim en tourmentait plus d'un et Lidoch, le maître du camp, ne savait plus quoi mettre dans sa soupe pour l'agrémenter un peu. De mauvaises langues racontaient que des elfes avaient été utilisés dans la soupe et que les cadavres de nos compagnons servaient aussi à renforcir la soupe. On chuchotait que bien peu de terre renversée pouvait être observée sur le terrain du camp et pourtant plusieurs de nos compagnons étaient morts au cours de ces derniers 42 jours.
Une missive nous fut acheminée de nos agents à l'extérieur de la forteresse via une trappe spécialement aménagée que les hommes de l'empire n'avaient pu encore découvrir. Des informations intéressantes concernant la découverte d'une carrière qui permettrait d'obtenir des roches pour la catapulte, de plantes pouvant servir à la concoction de potions de guérison. Des rumeurs indiquaient qu'une planque où seraient cachés des tabars de l'empire aurait été découverte mais ceci ne fut jamais confirmé. Tout ceci serait sûrement des plus utile dans les jours qui allaient suivre. Jean de Morave fit venir ses hommes et leur transmit l'information.
La vie quotidienne reprit ensuite son cours et la garde d'Évardin sous les ordres de l'adjudant Gaston prit position sur les parapets pour son tour de garde quotidien. On entendit alors le cycle incessant d'injures et de « Putaing » qui caractérisait depuis si longtemps ce tour de garde. Les cris étaient toutefois un peu différents aujourd'hui et bien peu de temps se passa avant que Gaston n'indique que les hommes du Duc se massaient en bloc autour de la forteresse. La pénombre les enveloppa rapidement et le décompte des effectifs devint difficile. Le branle-bas de combat fut signalé et chacun prit sa position. Armés de boucliers, ils se préparèrent aux volées de flèches. L'attente fut longue mais aucune flèche ne fut lancée. Le Duc devait commencer à en manquer. La tension diminua peu après mais chacun conserva son armure de peur d'une mort idiote par une flèche perdue.
Les troupes épuisées se couchèrent et ainsi débuta la 42e nuit du siège. Il devait bien être 3 heures du matin lorsque le bélier se fit entendre à nouveau. Peu d'hommes dormaient puisque les cris et les injures incessantes de l'ennemi les tourmentaient. Jean de Morave paniqué par les coups de bélier réveilla son état major et tous se mirent à crier pour réveiller Gédéon l'artilleur au cas où une percée serait effectuée par les hommes du Duc. Il semble que le vieil ingénieur avait l'oreille un peu dure. La porte arrière craqua mais réussit à tenir le coup. Certains étaient encore emmêlés dans les courroies de leurs armures lorsque l'attaque cessa.
« Comme à l'habitude, mon seigneur et ses hommes crièrent à tue-tête pour me réveiller ce soir là. Je m'en souviens bien, quelle poisse, on m'avait affligé de cette immense cuirasse pour me protéger suite à l'accident de la semaine dernière alors qu'un de ces gueux d'impériaux avait failli m'avoir d'un carreau d'arbalète. J'en ai rien à foutre moi de cette armure, je suis engagé moi, pas pour me battre mais pour construire et opérer des machines.
Étant réveillé, j'ai décidé d'aller relever un pauvre jeune bougre qui semblait être en poste depuis trois jours au moins. Je patrouillai donc le mur sud de la forteresse et je pouvais entendre ces sales porcs d'impériaux en bas dans la boue. -Hey les gueux! Vous êtes bien en bas dans la boue comme les porcs que vous êtes! - que je leur lançai du haut de mon parapet. Certains ne le prirent pas trop bien et se mirent en tête de se débarrasser de moi à grand coup de carreaux d'arbalète. Ce fût une nuit d'enfer. La pluie se mit à tomber de même que la température et je n'osais même plus m'approcher du bord de peur d'être transpercé. Je ne voyais même plus ces gueux tellement la nuit devint sombre. Quelle poisse! Ces sales gueux réagissent plutôt mal à deux heures d'insultes soutenues »
Aux premières lueurs du jour, le froid se fit intense et la misère s'empara des hommes. On remarqua alors que les impériaux utilisaient une stratégie intéressante. Ils avaient planté des petits pavois autour de la forteresse là où s'étaient déployées les troupes à la pénombre ce qui tint en alerte les hommes de Jean de Morave toute la nuit durant puisqu'ils pensaient que des hommes se tenaient derrière ces boucliers alors que seulement une poignée s'y tenait. Ceci eu toutefois aussi un effet sur les hommes du Duc puisque ceux-ci étaient terrifiés à l'idée de se faire attaquer suite à une sortie de masse contre leur petit nombre.
Au matin, Jean de Morave ordonna le déploiement des troupes et fit une sortie par la porte sud pour récupérer les béliers abandonnés par les hommes du Duc. La porte arrière était maintenant sécurisée. Les hommes du Duc nous présentèrent ensuite la tête de deux des 3 ninjas qui étaient sortis la veille. « Jean de Morave! Ne cherchez pas vos assassins, ils sont ici! » Lança un des lieutenants du Duc. L'état d'alerte fut à nouveau sonné quand on vit que le Duc se présentait aux portes. Un messager fut envoyé et une discussion s'en suit. Un cesser le feu fut négocié pour la journée en l'échange d'un bol de gruau. Messire de Morave accepta le gruau mais ne baissa jamais sa garde. Il en fut bien aise puisque le traître d'Hardémont n'attendit qu'à peine une heure avant de lancer l'assaut final.
L'histoire raconte que le Duc n'était pas encore prêt à lancer l'assaut puisque son trébuchet était encore fragile et qu'il désirait vraiment respecter la trêve afin de bénéficier de conditions plus avantageuses pour l'assaut. Les hommes du Duc se vautraient dans la boue depuis plusieurs heures alors que les hommes de Morave étaient humides mais sur des parapets de bois. C'est la désertion de ses troupes qui l'incitât à lancer cet assaut. Le Duc brisa la trêve et tenta une attaque par le sud une heure seulement après la signature du traité, le sort de la forteresse de Logneraie allait finalement se jouer.
Les ordres fusèrent de toute part et le chaos total s'empara de la forteresse. Autant les hommes du Duc avaient commencé à déserter, autant certains hommes de Jean de Morave décidèrent de ne pas se lever lors de l'attaque finale. La catapulte lança le premier boulet et les flèches s'envolèrent. Le ciel devint rouge et bleu des couleurs des flèches de l'Empire alors que le sol devint rouge des hommes de Jean de Morave. L'attaque par le sud était une simple diversion, la vraie bataille se passerait sur la face Nord du château. Le Duc d'Hardémont désirait entrer par la grande porte. Une sortie fut organisée avec des conséquences catastrophiques. La moitié de l'état major fut blessée et revinrent péniblement à l'intérieur. Les hommes tombaient trop rapidement. Les meurtrières étaient trop larges et les murs ne protégeaient pas les archers adéquatement. Les archers de l'Empire étaient précis et vifs. On décida alors de monter une baliste sur la tour avant. La mort allait ramper parmi les rangs du Duc. Il semble toutefois que les dieux étaient avec les artilleurs du Duc. La baliste n'eut le temps d'un seul tir que le deuxième boulet lancé par le grand trébuchet s'abattit dessus et la détruisit en milles morceaux. Un grand cri de joie se fit entendre sur la plaine et le désespoir s'empara de Jean de Morave. La porte allait tomber et la mort nous attendait tous.
Jean de Morave décida alors que les documents valaient plus que cette forteresse et partit avec son fidèle lieutenant et quelques hommes par la porte arrière. Son but était d'aller porter les documents lui-même ou de trouver des renforts. Le commandement des forces restantes fut laissé aux autres lieutenants qui décidèrent qu'une mort héroïque serait mieux que la fuite et pourrait peut-être acheter un peu de temps à Jean de Morave.
La porte se brisa sous les boulets de trébuchet et fut réparée par les hommes de Morave aussi rapidement. Elle tomba une seconde fois et une guerre de baliste s'en suivit. La mort de Gédéon l'artilleur sonna la charge et le château fut prit en quelques secondes. Les hommes cachés sur les parapets firent d'excellentes cibles pour les archers impériaux.
On raconte que Jean de Morave et ses hommes coururent longtemps dans la forêt. Traqués sans relâche par les troupes impériales, certains furent tués, mais les documents compromettants et la relique furent remis en mains propres à Marcus de Gorimond.
La famille de feu Gédéon l'Ingénieur et Artilleur.
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