Ce texte est une réponse au récit de Mycarion
Cher confrère Mycarion,
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre palpitant récit sur la Grande Bataille d'Arganne de l'an 1000. Je tiens d'entré de jeu à vous dire combien certain passages m'ont ému, en particulier celui ou vous décrivez l'atrocité des chaudrons d'huile... Une arme si cruelle que même mon maître en a banni l'utilisation... J'ai vu de mes compagnons se tordre de douleur alors que l'huile bouillante, comme vous le décrivez si bien, s'insinue à travers une cotte de mailles et brûle la chair en la fusionnant avec les anneaux de l'armure... Terrible souffrance pour le vaillant guerrier... Même les sabliers de guérison ne sont que remèdes temporaires...
Je tiens à vous offrir quelques précisions dans l'optique ou votre texte a pour but de rendre les évènement sous une lumière la plus juste et objective possible.
1. Il est faux de prétendre que la Horde de Gorghor Baey se soit livrée à des pillages, viols et meurtres gratuits en Arganne. Soit, c'est habituellement un de nos privilèges, et l'erreur est compréhensible vu notre réputation, mais je vous assure que dans le cas d'Arganne, ce ne fut pas le cas. Notre employeur, le Prince Nakkan Ossan ne voulait pas hériter d'une Arganne à feu et à sang, amoindrie au point de ne plus pouvoir représenter le potentiel économique qui était la motivation première de sa capture. Le Prince Nakkan Ossan ne voulait pas non plus faire son entré en Arganne devant un peuple qui le haïrait d'emblée. Aussi, notre employeur avait fait ajouter une clause dans le contrat avec les mercenaires de la Horde qui stipulait très clairement
l'interdiction stricte et intégrale de se livrer au pillage, viol et violence gratuite. Nous avons un bon nombre de défauts dans la Horde, mais notre ultime qualité est le respect de nos engagements. Donc, pour la première fois depuis que je suis au service de mon maître, la Horde ne s'est pas livrer au droit de cuissage, ni aux rapines, ni aucunes de nos activités de campagne habituelles... À la grande déception de bien de nos vétérans d'ailleurs...
2. La prise de Pamoise était certes un objectif stratégique, mais n'importe quel trésorier de l'Empire vous dira que c'était d'abord on objectif économique: Nakkan Ossan voulait briser le monopole du commerce avec les pays des sables du Roi Léotaut. Si le Prince Nakkan Ossan voulait ouvrir TOUS les marchés avec l'ouest, il se devait de briser ce monopole et cesser d'être constamment redevable au roi d'Arganne.
3. Oui, la nouvelle de l'arrivée de la Horde de Gorghor Baey aux frontières d'Arganne a initialement semé un vent de panique dans la population locale. Un exode partiel de certains bourgeois, riche marchands et fonctionnaires du Roi Léotaut s'est fait vers le royaume voisin d'Andore. MAIS, il est faux de prétendre que les paysans se sont mis sous la protection de l'armée dirigée par Castenza. Les paysans avaient rien à perdre et tout à gagner dans la chute de leur royauté qui les taxe trois fois plus que dans tout l'Empire et royaumes avoisinants! Ceux qui ont fuit sont ceux qui avaient quelque chose à perdre, des privilèges à préserver, des fortunes à mettre à l'abris... Non vraiment Mycarion, le petit peuple, les gens modestes se sont rangés avec l'armée du Prince Nakkan Ossan. Tous les groupes de la basse-ville ont été ignorés des négociateurs de Castenza, de Brabancourt... Tous les groupes de la basse-ville se sont joint à la révolte populaire mené par le respecté moine Lydoch, aumônier des petites gens... Les paysans ont été regroupé en milices par Mâlo, représentant de la guilde des agriculteurs. D'ailleurs, lorsque les émissaires de Gorghor Baey ont demandé à Mâlo ce qu'il souhaitait, celui-ci aurait répondu avec grande dignité:
Voyant son peuple dispersé par un ennemi si farouche, le roi d’Argane, Léotaut 1er, envoya des émissaires dans chaque province voisine afin d’obtenir leur soutien. Craignant que cette marche guerrière ne déborde sur leur territoire, les dirigeants voisins l’appuyèrent. Ainsi put être amassé un butin assez lourd pour convaincre le général Armand McAllister, de Castenza, d’empêcher la progression de Gorghor Baey par une défense soutenue de la place-forte.
Pamoise. Robuste et fière Pamoise. Dont le nom impose à lui seul le respect. Qui inspire à ceux qui en sont les maîtres la confiance et la force de la défendre, mais qui inspire également à ceux qui la contemple, convoitise et envie.
Se dressant seule au milieu de la plaine, ses hauts remparts de bois freinent la course du vent. Noble Pamoise, sois forte ! De gris nuages annoncent un trouble proche. Sur toi repose la paix du territoire que tu domines. Car de ta chute, que beaucoup appréhendent, s’amorcera une ère sombre dominée par le chaos. Fais silence et entends la supplication de la terre. Vois comme la sueur des paysans a engendré le blé. Nul ne peut empêcher le sang de s’y répandre mais toi seule peut prévenir le profanateur d’y vomir dessus. Sois forte Pamoise et résistes, car bientôt, à ta porte, frappera l’ennemi. C’est sous tes remparts que tout se jouera.
C’est sous tes remparts que tout s’est joué...
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Le convoi s’ébranla avec bruit. De toutes parts, les directives fusaient. Les guerriers, fébriles et nerveux à l’idée de l’affrontement prochain, montraient des signes d’agitation. Ayant la charge d’atteindre le fort avec six charrettes contenant de l’huile, des flèches et des sabliers, de leur réussite dépendait l’approvisionnement de Pamoise. Leur échec donnerait aux armées de Gorghor de nouvelles armes et grandirait leur confiance, déjà gonflée tant le nombre de leurs soldats dépassaient celui des alliés de Castenza. Les forces de Gorghor dépassaient du double celles alignées par le général McAllister. Les guerriers étaient nerveux car ils connaissaient ce fait. Mais ils avaient foi en leur chef et tous marchèrent derrière lui.
Une fois la Haute-Ville passée, une rumeur se fit entendre. Sur le sommet élevé de la rive opposée, séparée par le fleuve, se dressait un fort contingent d’hommes en armes appartenant à l’armée de Gorghor Baey, qui les invitaient au combat. L’ordre de continuer la marche fut lancé aussitôt. Le convoi progressa sur sa lancée tout en ignorant l’invitation. Mais la tension monta d’un cran car, pour la première fois, les soldats des deux camps voyaient la face de leur ennemi. Pamoise était maintenant à vue. Sur la route principale, un mur de fantassins aux lourdes armures et aux armes affûtées s’opposait à la progression du cortège. Pour atteindre le fort, il fallait affronter l’ennemi de front ou le contourner. Craignant peut-être que leur nombre ne pourrait résister à un affrontement direct, le général fit engager ses hommes dans un défilé étroit et sinueux, bordé d’une dense végétation. C’est dès lors que le piège se referma sur eux.
Sitôt entré dans le défilé, l’infanterie légère de Gorghor Baey se déploya afin de prendre le convoi par derrière, bloquant ainsi toute possibilité de fuite. L’armée du général s’était engagée et ne pouvait désormais plus reculer. Des flancs escarpés, situés aux pieds du fort sous le couvert de la végétation, apparurent des vagues successives de flèches qui frappèrent les hommes de Castenza et en clouèrent plusieurs au sol. Mais le convoi poursuivait sa route.
Puis ce fut le choc.
Cette forteresse... Ce n'est pas le Roi qui l'a bâti... Ce n'est pas Castenza qui l'a construit... C'est les paysans et les serfs voué aux travaux forcés! Ceux qui n'avaient pas les moyens de payer les lourdes taxes en bétail ou récolte, ont du payer en sueur et en sang... Cette sueur et ce sang est le mortier de chaque pierre qui forme les murailles de Pamoise... Cette forteresse... Ce n'est pas Nakkan Ossan qui va la prendre... Ce n'est pas Gorghor Baey qui va la détruire... Nous, paysans avons pris les pierres des champs pour élever les murs de notre esclavage... Nous paysans, allons redonner les pierres aux champs... Nous voulons être sapeurs!
Aussi, comme vous l'avez constaté, nous étions en plus grand nombre que nos adversaire (bien que nous n'étions pas le double comme vous l'avez estimé, mais plutôt un rapport d'environ 800 contre 500...). C'est donc dire que l'opinion populaire nous avantageais, puisque des deux côtés des sommes colossales équivalentes ont été versées afin de financer le recrutement des deux armées. Et si vous avez analyser le contenu des deux armées, vous avez peut-être remarqué une tendance:
ARMÉE DU PRINCE NAKKAN OSSAN:
La majorité de l'infanterie légère (peu ou pas d'armure, faible armement) était du côté de Nakkan Ossan.
- Les guildes de paysans, les jeunes guerriers idéalistes mais mal équipés, les rangers et elfes des forêts, etc.;
- L'Alliance Celtique, vaillants amants de liberté;
- Les Lambertrands, défenseurs de la liberté de commerce, qui pour la première fois se détachait de leur alliance traditionnelle avec le sang bleu de Brabancourt;
- La Légion Infernale notre unité d'élite payé à gros prix, une puissance nécessaire, notre seule unité de lourds;
- Les citoyens libres de Hullsbourg qui ont payé cher leur statut de Cité souveraine et qui étaient sensibles au besoin d'affranchissement des paysans surtaxés d'Arganne;
- Les Elfes noirs de la Maison Osgoroth; les elfes noirs ont toujours été contre l'Empire;
L'ARMÉE DU ROI LÉOTAUT:
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La majorité de l'infanterie lourde (armure de plaques, hallebardes, etc.) était du côté du Roi Léotaut. Donc les soldats fortunés, les nobles, les aristocrates, etc. On remarquera avec un certain étonnement un regroupement de toutes les guildes de fanatiques religieux dans un mariage aussi invraisemblable qu'incestueux. Mais il est vrai que le propre de bien des religions est de garder le peuple dans l'ignorance, la servitude et la soumission.
- Castenza, les templiers du culte du démon Noiséhoc;
- L'Ordre de Notre-Dame-de-la-Rédemption, l'Inquisition de la pureté raciale, intolérante de tout ce qui n'est pas humain et chrétien;
- Le Saint Ordre du Poing de Fer, proches parents de la Rédemption, véhiculant les mêmes valeurs;
- Les Vand'Hals, regroupement de barbares et mercenaires semblables à la Horde, mais en moins respectable (ayant renié leur contrat dûment signer!) qui cache un regroupement de cultistes sanguinaires, invocateurs de ghoules, fanatiques du démon Teratos;
- La Kabbale, groupe de mercenaires détestables, puissants et riches, mais sans parole, sans honneur qui ont renier maintes fois des ententes et contrats avec plusieurs guildes;
- Brabancourt, le sang bleu qui s'est toujours battu pour l'Empire, pour le statut quo des droits des riches et de la noblesse, contre les réformes populaires, contre la liberté et l'égalité des classes (on n'a qu'à penser à leur ferveur à écraser la révolte populaire de Viakta en l'an 999, ferveur financée par la Kabbale!)...
Voilà, maintenant vous comprendrez ma déception quand je constate dans votre récit, une tendance à montrer l'armée du Prince Nakkan Ossan dirigée par Gorghor Baey comme «les méchants, les sanguinaires, les cruels» alors que l'armée du Roi Léotaut dirigée par Castenza est souvent décrite comme «les bons, les nobles, les vaillants défenseurs de l'oppression»...
J'espère que la sagesse ainsi que votre expérience personnelle de ce conflit meurtrier vous démontreras que dans une guerre, il n'y a pas de bons ou de méchants. Ces notions ne sont qu' inéquitables jugements de valeurs. Dans une guerre, il y a seulement deux côtés qui ne veulent pas la même chose et qui se confrontent. Dans une guerre il y a des morts et des héros, des actes de bravoure de part et d'autres, il y a beaucoup de sang versé, beaucoup trop d'amis et de compagnons perdus à jamais...
Alors, de grâce, au nom de la postérité, de la nécessité d'avoir une chronique la plus objective possible, n'insultez pas mes amis et compagnons morts au combat en les décrivant comme des «méchants» ou des «cruels» pour les générations futures, ils n'étaient que des soldats, tout comme leurs adversaires, pas plus, pas moins...
Bien à vous, ami lettré,
Le moine Hyronimus, scribe de Gorghor Baey, chroniqueur de la Horde