Morath et la Pierre de Lune

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Événement

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Guilde

998

Grande Bataille

Windigo


D'un geste excessif, Morath déplaça vers l'arrière sa longue et lourde crinière. Il ajusta ensuite son pourpoint de cuir, puis ses grandes bottes et finalement son épée courte. En se relevant, juste avant de sonner le déploiement, il regarda longuement la puissante armée qu'il avait rassemblée. La clairière était recouverte de noir et de pourpre en agitation. Comme de l'huile en ébullition, l'armée n'attendait que son signal pour bondir enfin hors de la marmite en une marée déferlante. Levant le bras pour donner le signal, il eut un bref souvenir des événements qui l'avaient mené jusqu'ici.

...Pour les Elfes noirs de Nasgaroth, l'heure était grave. La Pierre-de-Lune, joyau des Elfes et source de leur immortalité, était entre les mains des humains. De plus, des ordres religieux unifiés menaçaient même de procéder à sa destruction.

Après un conseil extra-ordinaire des neufs maisons, les matrones, réunies au palais de la reine Malika avaient décidé d'agir. De nombreuses troupes composées de leurs meilleurs hommes et femmes seraient envoyées. La Reine avait choisi son fils Morath pour diriger la plus grande armée Elfe jamais mobilisée depuis la guerre de la faille. Syrtar le Sombre, de la deuxième Maison, fut nommé son bras droit. Son expérience avec les divers peuples du sud en faisait un négociateur hors du commun. Cet atout s'avèrera majeur auprès de l'impulsif Prince guerrier. Morath se mit en marche avec une cohorte d'Elfes, parmi l'élite des guerriers de Nasgaroth. En deuxième ligne, il était soutenu d'un détachement de prêtresses Drows de la 7e maison; les Furies. Leur mission : rapporter la Pierre à tout prix, la survie des Elfes noirs en dépendait.

L'attitude du seigneur de Brabancourt, lors du tournoi équestre, en avaient choqué plus d'un. L'abandon de son champion, perdant devant celui des elfes, avait sans nul doute moussé la campagne du Prince. De plus, la récupération de l'humain, par Morath, avait redoré la réputation des Drows et favorisé le recrutement. Ainsi, plusieurs guildes mercenaires acceptèrent les offres alléchantes du Prince noir. Parmi le nombre, on pu compter La Kabbale, la Légion Infernale, des membres de la famille Cordélian, les Amazones, un groupe d'orcs et quelques clans Celtes comme les McAllens.

Devant Morath s'était dressée la puissante armée de Brabancourt. Ces derniers, de lourds guerriers au passé glorieux, se présentaient comme une muraille infranchissable. Leur réputation eut tôt fait de créer un ralliement en leur faveur. Ainsi, des guildes comme la Horde de Gorghor Baey, le Fléau et les serviteurs de Notre Dame de la Rédemption allaient se ranger derrière eux.

Les habitants de la province qui avaient refusé de se faire emporter dans une nouvelle guerre s'étaient mobilisés. Viakta, personnifiant l'espoir d'un peuple, fut leur chef. Le Phoenix décida d'épouser leur cause et devint rapidement le fer de lance des insurgés. Ensemble, ils allaient constituer un facteur déterminant sur l'issue de la bataille : le 3e front…

Morath revint rapidement à ses esprits et à la terrible guerre qu'il devait livrer. Khrishnack, l'officier orc, lui signala, par un signe de la main, que les troupes étaient prêtes. Sous son ordre, le cor de Gjall fit entendre son écho et l'armée se mit en marche.

Les troupes elfes se dirigeaient lentement vers la niche où devait se trouver la Pierre tant convoitée. L'armée se déployait en une longue file sur trois guerriers de large seulement. Le sentier avait été choisi pour la position qu'il donnait et non pour sa facilité. Le terrain difficile ralentissait les soldats et créait une dislocation des rangs. Les quelques capitaines peinaient pour conserver la cohésion et l'organisation des unités. Une embuscade aurait été alors fatale et tous ressentaient cette menace. L'inconfort et le questionnement gagnaient du terrain et le moral en souffrait. Ralentis eux aussi par les rudesses du terrain, les éclaireurs ne connurent pas plus de succès. Les maraudeurs elfes avaient été devancés par ceux de l'ennemi et la Pierre avait disparu.

Les troupes gagnèrent enfin la clairière qui dominait les positions ennemies. Les éclaireurs, à défaut de Pierre, avaient pu au moins sécuriser le point d'arrivée du gros des forces. À la vue des ennemis, les Elfes et leurs alliers retrouvèrent leur courage, l'objectif était là et il fallait l'abattre. Le sang bouillait de nouveau dans leurs veines et la fièvre de la guerre effaça les doutes. Morath sonna la charge et la marée pourpre déferla dans un chaos frénétique. Le Prince resta en arrière, il observa un instant, puis se détourna vers son objectif : la Pierre.

Les forces de Brabancourt attendaient les Drows de pied ferme, au sommet de la colline suivante. Une fantastique pluie de flèches accueillit les troupes de Nasgaroth, qui remontaient la colline. La charge fut ébranlée, sans être écrasée pour autant. Les troupes du Prince tentèrent ainsi plusieurs assauts. Plusieurs fois, ils gagnèrent un terrain précieux pour le reperdre aussitôt. La confusion régnait et ni l'un ni l'autre des deux fronts ne bougeaient réellement. En effet, la présence simultanée, sur le champ de bataille, de plusieurs armées, changeait radicalement la stratégie militaire classique. Brabancourt repoussait deux fronts : les Elfes noirs d'un côté et le troisième front de l'autre. Parallèlement à cela, le manque d'officiers pesait lourd sur la coordination militaire des Elfes noirs. Morath menait sa propre quête et Syrtar, réfugié derrière une roche, se protégeait du mieux qu'il le pouvait. Ainsi, deux ou trois guerriers hardis pouvaient créer des ouvertures sans pour autant en tirer le moindre avantage.

Morath, de son côté, accompagné d'une petite mais solide escorte, tentait de récupérer la Pierre de Lune, loin derrière le front elfe. Son escorte était composée d'orcs vétérans et de mystérieux hommes venus du nord, le pays interdit. Grâce à la chance et au flair des orcs, Morath pu, contre toute attente, récupérer l'objet de sa quête. La Pierre avait été dissimulée non loin du vieux totem, sur la gauche. S'amorça alors une étrange cavale pour le Prince, devenu porteur de la destiné d'un peuple. En effet, ne disposant pas de troupes suffisantes, il ne pouvait pas prendre le risque d'affaiblir le front pour assurer sa protection. La discrétion allait devenir une alliée précieuse, voir la seule. La route fut ardue et longue, la Pierre était lourde et le terrain très difficile. Quelques guerriers de la petite troupe avançaient en éclaireurs, sécurisaient un périmètre et le reste suivait. Le même petit manège fut reproduit des dizaines de fois jusqu'à la rivière. Les rares rencontres se soldaient toujours par la mort de l'ennemi. La lourde lame des orcs tranchait et broyait sans compromis. La forêt buvait le sang, recouvrait les corps et se refermait derrière eux. Comme s'ils n'étaient jamais passés, la troupe furtive ne laissait aucune trace.

La rivière calme et boueuse barrait maintenant leur progression, déjà retardée par les affres du terrain. La rivière permettait un déplacement plus direct, mais au combien moins discret. Pris entre le front et la falaise, ils durent se risquer dans la rivière, droit devant.

Pendant ce temps, Le Phoenix se portait à l'assaut par le flanc droit des Elfes, en contre bas. Ce mouvement de troupe déstabilisa les Elfes qui perdirent la maîtrise d'une large partie du terrain le long de l'eau.

Sur l'entrefait, Morath et son escorte arrivaient par cette même rivière longeant le sentier 2 mètres plus bas. La petite troupe se trouva, malheureusement, à la hauteur d'une ouverture du sentier, au même moment que l'arrière-garde du 3e front. Dans l'eau jusqu'à la taille et fatiguée par le précieux fardeau, l'escorte du Prince ne ferait pas le poids. Rapidement, trois hommes firent volte-face pour affronter les assaillants. Profitant de la hardiesse des guerriers du nord, Morath et le reste de sa troupe disparurent sous l'épais couvert végétal. Les trois luttèrent avec la vaillance de 10 hommes, mais finirent par tomber sous le nombre, débordés de toutes parts. Ignorant sans doute ce qui leur était passé sous le nez, les assaillants ne poursuivirent pas Morath et repartirent en direction du front.

De leur coté, les forces elfes se réorganisèrent en jouant une ultime tentative. Libérée depuis l'arrière garde, dans un râle effroyable, une bête immonde fit lentement son apparition. C'était une créature hideuse à la gueule démesurée semblant prête à avaler le monde. Sa tête écarlate et rouge pustulait en dégoulinant de lave en fusion, brûlant le sol sur son passage. Avec dextérité et force la créature se rua vers le front adverse comme une avalanche de pierres. Ses bras démesurés ravageaient les soldats impuissants. Les hommes disloqués tombaient par dizaines ou étaient simplement dévorés. Face à cette force surnaturelle, les survivants du Phoenix, malgré leur détermination, durent finalement retraiter. Le troisième front recula devant les Elfes, vers la colline, vers les forces de Brabancourt. Ainsi, les Drows menés par Syrtar purent reprendre le sentier le long de la rivière.

Les guerriers du nord, ceux morts pour sauver Morath, furent découverts, gisants sur la berge. Une fois soignés par les Furies, ils se mirent rapidement à la recherche d'un officier. Ces derniers informèrent aussitôt Syrtar de la situation qui prévalait. Sachant maintenant que la Pierre était entre leurs mains, les ordres furent donnés en conséquence. Les troupes d'Elfes redoublèrent d'ardeur et gagnèrent, mètre après mètre, le terrain le long du rivage. Ils prirent enfin position près du ruisseau de la cuvette, objectif ultime de Morath et de la Pierre.

Surgissant des buissons par la crête, épuisé, le Prince pu enfin déposer la Pierre dans l'eau. Celle-ci fut aussitôt téléportée en la demeure de la reine Malika. Morath se hissa sur la crête pour y pousser son cri de victoire : NOUS SOMMES IMMORTELS. Les Elfes avaient regagné leur éternité, mais pas l'immortalité. Le moral gonflé par de fausses informations, les troupes elfes de la cuvette se jetèrent sans ménagement sur l'ennemi. Cet erreur coûta au Prince puisque plusieurs elfes furent massacrés n'étant pas, comme ils le pensaient, invincibles. Néanmoins, Morath et ses troupes regagnèrent fièrement Nasgaroth, car la victoire était totale. Bien que Morath eu accompli sa mission et gagné du prestige auprès des matrones, on n'entendit plus jamais parler de lui. On entendit plutôt parler d'une certaine révolte… Mais cela est une autre histoire…

Windigo, d'après le récit du demi-orc Samstag