Approuvé par son Altesse Sérénissime Karl Von Shlaffenmark 1er
Gloire à Son Altesse Sérénissime!
X - Glahul

Province de Boisfort, Andore, 25 aoust 997


C’était une chaude journée d’aoust. Le ciel était bleu. Une petite brise douce nous rafraîchissait. Dans la forêt, on entendait les oiseaux chanter. Quelle journée de merde.

Ils me font chier les oiseaux qui chantent. J’ai un sacré mal de tête. La bière d’Henryk était bonne. Il y en avait surtout beaucoup. Le maudit soleil tape fort sur mon mal de bloc. Je suis le premier levé. Je suis un bon premier moi, quand c’est pas le temps. J’aurais bien été premier moi, quand c’était le temps d’être chef, mais non.

Tiens, il dort encore notre chef. Et puis pourquoi c’est lui, le chef? La « horde de Glahul », ça serait très bien aussi... Tu fais moins le fort, Gorghor quand tu dors. Tu peux plus nous menacer avec ton gros marteau… Tu sais Gorghor, je pourrais te tuer pendant ton sommeil…

« Tu sais Glahul, je pourrais te tuer n’importe quand.»

Hein qu’est-ce que quoi? Est-ce que j’ai parlé fort moi? Il lit dans les pensées maintenant? Vite, pense vite Glahul, c’est ta spécialité…

« C’est vrai, Gorghor. »

Toujours donner raison quand on sait pas quoi dire. C’est ma botte secrète.

Qu’est-ce que je fais maintenant?...Il se lève en souriant. Il s’en va pisser. Ouf, je l’ai échappée belle. Bravo, champion. Pense moins fort, la prochaine fois.

Bon, c’est aujourd’hui l’attaque du camp orque. Allons-y.

« Allez les gars, tout le monde debout, il faut aller rejoindre l’armée d’Henryk. »

En une dizaine de minutes, on se rend au point de ralliement.

« Mais qu’est-ce que c’est que cette racaille? Où sont vos armures? Cet archer n’a même pas de flèches! Qui est en charge ici?»

Je regarde autour. Gorghor est pas encore arrivé. Il a un peu raison cet officier, Rhô a oublié ses flèches. Et moi mon armure. Henryk arrive, il est plutôt rouge. Robert vomit sur un arbre.

« C’est pas moi qui suis en charge monsieur, moi je suis juste… Lieutenant. »

« Lieutenant, vous pensez qu’on va vous payer si vous ne pouvez pas vous battre? »

« D’accord, on pensait pas que c’était le combat tout de suite. On va aller chercher nos affaires. »

Retour au camp. Je vais ramener l’épée de Robert, il avait pas l’air en état de venir la chercher.

Retour avec l’armée. Petit décompte : Gorghor, Bacchus et Ragash, Balréozéroth, Lassik, Matémorh et Robert. Pas Don Miguel, il était pas très fiable. Parti arranger une affaire de famille, que dit Robert. Henryk :

« C’est mieux cette fois, lieutenant! Vous avez presque l’air prêts au combat ».

Presque, c’est le baron. Gorghor :

« Lieutenant, Glahul? »

« Oui Gorghor! »

« Très bien, alors. Lieutenant. »

Le petit contretemps a même été une chance, on a raté la bénédiction des prêtres. Si un avait essayé de bénir Gorghor, ça aurait pu commencer les hostilités avant qu’on trouve l’ennemi.

Le plan est simple. Notre patronne de l’an passé, Uskuada, a donné une Pierre de Lune aux orques pour les protéger, mais les ploucs, ils ont laissé Raya leur piquer et à c’t’heure c’est nous qui l’avons. On fonce dans le tas, ont tue les orques, et on va mettre la Pierre dans un totem en haut du camp orque. Ça devrait briser leur protection magique. Ça se peut qu’il y ait des prisonniers dans le camp orque. Si ça chie et que les orques prennent la Pierre, c’est tant pis pour Henryk et on fout notre camp au plus vite.

De notre bord, on a les soldats de Brabancourt, la plupart des celtes, une guilde de marchands rouges qui s’appellent Lambertrand, un groupe connu comme « le Fléau » et deux groupes religieux : les Templiers germains et de l’Ordre de St-Michel. De leur bord c’est le « Seigneur des marais » qui mène, un espèce de chef orque. Il a un sorcier avec lui, Thanatar. La Kabbale et la Légion Infernale sont avec eux. Ils devaient bien payer ou il y en a qui avaient trop bu, parce qu’il y aurait même certains elfes d’Irendille et quelques celtes avec eux.

Aux ordres d’Henryk, l’armée se déploie dans une grande colonne sur le chemin. On monte une colline sur laquelle il y a une forêt. Le camp orque serait plus loin sur une deuxième colline de l’autre côté d’une rivière. L’armée arrête juste devant l’orée de la forêt, Henryk veut pas se faire embusquer dans les bois.

Ils ont besoin d’éclaireurs. On se porte volontaires, avec l’Ordre de St-Germain et les Lambertrand. On doit débusquer les orques, mais aussi trouver un chemin de contournement s’il y en a un. On prend le côté gauche, St-Germain au centre et Lambertrand à droite.

On entre dans la forêt. Pas grand-chose en haut, on peut redescendre un peu vers la rivière entre les deux collines. La forêt est dense, on a perdu les autres. On avance sans faire de bruit. On approche de la rivière, toujours tranquilles. Ça sent le piège. Un peu plus loin il y a un pont. Gorghor fait signe d’avancer. Il y a une petite clairière. Tout d’un coup, embuscade! Des orques sortent de tous les côtés et le groupe est encerclé!

Le groupe, c’est le groupe sauf moi : je l’avais bien senti que c’était un piège, j’ai un instinct pour ça. J’étais resté un peu plus loin pour couvrir l’arrière. Gorghor et les autres se défendent, mais les orques sont plus nombreux.

« Glahul, qu’est-ce que tu fous, viens nous aider! »

Hum, il y a vraiment beaucoup d’orques. Ils ont de grandes piques et de gros pavois, et moi, deux épées courtes. On dirait vraiment que les gars vont pas s’en tirer. Je suis pas le genre à aller mourir pour rien.

« Tenez-bon, je vais chercher de l’aide! »

« GLAHUL, COUILLE MOLLE! »

Ils ont pas dû entendre mon message :

« J’AI DIT : JE VAIS CHERCHER DE L’AIDE! »

Je remonte la colline en appelant des renforts. Rapidement, je trouve les Lambertrand et les St-Michel qui n’étaient pas très loin..

« Gorghor s’est fait embusquer par les orques. On a besoin d’aide en bas près de la rivière! Suivez-moi, je vais vous montrer! ».

En presque deux minutes, je suis revenu avec des renforts. Je suis un peu comme un héros.

Tous les hommes de Gorghor sont blessés, il était temps.

« Allez-y, ils ont besoin d’aide! »

Le combat est difficile, les orques sont toujours plus nombreux malgré mes renforts. Comme je suis à l’extérieur de la mêlée, je peux facilement frapper les ennemis dans le dos. Nos hommes se battent bien, en plus nous avons des guérisseurs. Nous finissons par avoir le dessus. Les blessés pansent leurs plaies.

« En tous cas, vous pouvez me dire merci! »

Matémorh lève les yeux au ciel. J’ai bien peu de reconnaissance dans cette bande.

On ratisse le terrain autour. On voit le campement orque de l’autre côté de la rivière. Il y a deux ponts qui traversent. En haut des ponts il y a des tours avec des archers. Il y a des orques des deux côtés du pont, trop pour une avant-garde comme nous. On remonte faire notre rapport à Henryk.

Le chevalier est en train de donner des ordres à ses lieutenants. On est prêts à retourner, mais Henryk nous demande de rester :

« Reposez-vous. On a une mission pour vous tantôt. À L’ATTAQUE! POUR L’ANDORE ET LE ROI SOLAR! »

Roulements de tambours. L’armée descend la colline.

La côte est boueuse pour les grosses armures qui dérapent. Ils réussissent quand même à former une ligne de boucliers et descendent en chassant les orques qui déguerpissent de l’autre côté des ponts. Lorsque notre armée arrive au bord de la rivière, les archers orques qui sont dans les tours se mettent à tirer des flèches. L’armée d’Henryk s’arrête devant les ponts. Il reste pas d’orques de notre côté de la rivière, mais ce sera pas facile à traverser. Pendant plusieurs minutes, il y a des échanges sur la rive. L’infanterie lourde est bloquée, ils arrivent pas à avancer sur le pont. Les flèches font des dégâts dans nos rangs. Tout semble paralysé.

Les orques scandent quelque chose à l’arrière. « Troll Bleu! Troll Bleu! TROLL BLEU! », de plus en plus fort. Ils préparent quelque chose. Tout d’un coup, on entend un énorme grognement guttural. Les orques crient de joie. Il y a de la commotion sur le pont de droite. Il y a même des orques qui tombent de leur côté du pont.

Un gigantesque troll bleu avance en tuant tout sur son passage. Il traverse le pont et fonce dans la ligne andorienne. À chaque coup de masse, il démolit un bouclier et celui qui se tient derrière. La ligne de défense est détruite. Les courageux se font terrasser, les autres commencent à avoir moins de courage. On perd trop d’hommes. Henryk envoie Guillaume le Bref, son lieutenant, pour organiser la retraite du pont droit. Notre armée est en déroute. Ça leur prendrait un miracle, ou un héros.

Gorghor me touche l’épaule et me regarde avec un sourire :

« Lieutenant Glahul, les maquillages runiques que les peintres-mages nous ont fait nous permettent de blesser le troll. C’est à notre tour. »

J’ai la face peinte à moitié rouge et à moitié soleil. C’est moi le héros!

« JE SUIS… GORGHOR BAEY! »

C’est le signal. J’vais leur montrer que j’suis pas un peureux. On fonce avec la bande vers le troll bleu. Les andoriens nous regardent passer en nous faisant signe comme quoi on s’en va dans le mauvais sens. Je suis le premier arrivé! Haha espèce de troll, c’est MON jour de gloire!

« Tiens, goûte aux lames de Glahul! »

Eurk, il saigne vraiment bleu.

« Prends ça! » « Puis ça! »

J’adore mes deux épées courtes.

« Tu dois t’ennuyer de ta maman? » «Crève! »

« Je suis Glahuuu – AAARGH! Mon dos! »

« N’importe quand, Glahul. »

Quoi? Gorghor? Où suis-je? J’arrive pas à respirer. Aille! On vient de me foutre une claque! Je crache de l’eau.

« C’est quoi ton problème? »

« Il est vivant, le pourfendeur du Troll Bleu est vivant! »

Je suis dans la rivière. L’homme qui m’a donné une claque me tient pour éviter que je coule. Gorghor est un peu plus loin. Il y a encore des combats sur les ponts.

« Quel courage! Vous avez foncé sur le Troll! Le soleil sur votre visage...c’est Solara qui vous guide! ».

« Lâche-moi vieux con. La bataille est pas finie. »

Je me remets debout. Je suis au milieu de la rivière mais je touche le fond.

« Il est ici, notre sauveur! »

Le con se fait aller les bras au ciel. Un chef celte, Alasdair Douglas, nous voit et me fait signe. Je lève le pouce en l’air pour montrer que je vais bien. Douglas entre dans la rivière malgré son haubert de mailles et vient vers moi. Il se retourne et fait un signe à ses compatriotes de venir nous rejoindre. Je leur crie : «  Pas besoin, c’est bon, je suis correct! »

Les celtes viennent quand même mais passent à coté sans s’occuper de moi. Ils traversent la rivière! Je les suis sans hésiter et je suis un des premiers, sinon le premier sur la berge. Pour l’instant je suis seul dans le dos des orques, mais un celte resté sur le pont de l’autre côté me voit et se déchaîne pour attirer l’attention des ennemis. Ça me permet de m’en donner à coeur joie dans le dos des orques. Après plusieurs victimes, je rejoins le celte et le pont est à nous. Les autres celtes qui avaient traversé ont sécurisé une position du côté orque de la rivière. Le Bref ordonne à tous les légers de traverser la rivière.

Partout les orques abandonnent leurs positions et battent en retraite : ils reculent dans leur village en remontant la côte. Les ponts libérés, l’armée d’Henryk traverse et s’organise du côté orque. Gorghor et les autres me rejoignent. C’est toujours pas clair pour moi, comment je me suis retrouvé dans la rivière. Gorghor :

« Bravo Glahul, tu l’as bien eu le Troll. »

C’est pas fini, parce que les orques ont ramené le corps du Troll et il s’est relevé, sur le côté gauche de la colline. C’est encore une mission pour nous. Henryk donne l’assaut. On suit les troupes en se dirigeant vers le Troll. Cette fois, nous sommes tous là et il est rapidement abattu. Le gros de l’armée continue à avancer vers le sommet de la colline. Gorghor :

« Le Troll est mort, on a remplit notre contrat. Qu’est-ce qu’on va faire? ».

Il me regarde.

Je souris.

« Premier pillage, Gorghor, premier pillage! »

On entre dans les cabanes orques pour prendre le butin. Je sors avec des colliers d’or. Un chevalier me regarde :

« Qu’est-ce que vous faites? Les combats ne sont pas terminés, il faut emmener la Pierre de Lune au totem! »

Il va rejoindre les autres en haut de la colline. Les orques ont formé un mur de boucliers autour du totem où il faut mettre la Pierre. S’il pense que je vais lui laisser des bijoux pour quand il va revenir, il nous connaît mal.

De gros nuages noirs se sont installés dans le ciel. Henryk ordonne un assaut final. Le sang des hommes et le celui des créatures est répandu. Le chef orque est abattu. Le vent se lève. Une charrette emmène la Pierre de Lune au sommet. Henryk lève la Pierre de Lune. Le tonnerre gronde et un éclair déchire le ciel. Henryk met la Pierre dans le totem et brise la protection des orques. Il se met à pleuvoir.

C’était une froide journée d’aoust. Le ciel était sombre, la pluie nous trempait les os. Nous étions plein de sang et de boue. Nous avions tué, nous avions pillé, nous avions vaincu. Quelle belle journée ça avait été.

IX. Robert

Gorghor Baey

XI. Hyronimus