Approuvé par son Altesse Sérénissime Karl Von Shlaffenmark 1er
Gloire à Son Altesse Sérénissime!
IX - Robert

Province de Boisfort, Andore, aoust 997


Dans quelle bande de débauchés me suis-je foutu. Le fruit des pillages est tout de suite dépensé en boissons, femmes et autres vices, quand c’est payé. L’équipement ne s’améliore que par les prises sur nos victimes. Quand la bourse est vide, nous nous en prenons au premier rencontré. Nous ne pouvons maintenir cette vie que par notre force et notre capacité à disparaître lorsque nous attirons l’attention des troupes royales. Heureusement, il y a beaucoup de troubles en Andore par les temps qui courent, et notre bande est une faible menace comparativement à des envahisseurs chaotiques. Dans une telle situation, une bande de barbares humains comme nous peut devenir un allié pour le bon roi Solar. Nos forfaits sont tolérés tant que nous l’aidons à garder son jardin propret.

Le chevalier Henryk est de nouveau à recruter une armée. Cette fois, des orques essaient de s’implanter dans le coeur même de l’Andore, dans la province de Boisfort. Leur chef, le « Seigneur des Marais », a obtenu une Pierre de Lune de la nécromancienne Uskuada. Celle-là même que nous avons aidé à défaire les armées d’Henryk il y a a peine un an. Nous parions qu’Henryk voudra nous voir de son côté plutôt que de celui de ses ennemis cette fois.

Notre arrivée au campement royal créé un émoi dans les troupes.

«  Soldats, en garde! Des barbares essaient de forcer le camp! »

Gorghor : « Les nerfs la marionnette. On est ici pour parlementer. »

« Sergent, c’est Gorghor Baey, je le reconnais. Il a décimé le 3e peloton devant le château d’Illendel! »

«  Archers, en joue!… à mon signal... »

« Voulez-vous bien m’arrêter vos enfantillages! Tout le monde BAISSE SES ARMES! »

C’est Raya McRaft. La cheffe celte qui voulait nous engager l’an dernier. Ses hommes en kilt s’avancent la main sur leur garde, entre les soldats andoriens et notre bande. Tout le monde baisse les armes. Raya : « Gorghor, c’est l’odeur de la guerre qui t’a attirée? Si tu viens négocier avec nous, tu es bienvenu. »

Gorghor : « Salut Raya. Il paraît qu’Henryk cherche des bras pour écraser de l’orque. J’ai des bras. »

Il regarde ses bras et montre ses muscles.

Raya :  « Asseyons-nous tous un instant. Je vais voir Henryk dans quelques minutes, je lui dirai que vous êtes là. »

On s’assoit. Raya fait la conversation.

« Depuis que l’Empire a commencé la répression, nous avons fui les îles celtes. On m’appelait « la Reine Celte ». J’avais trop d’influence, ma tête a été mise à prix. Comme beaucoup d’autres de mon pays, je me suis réfugiée en Andore, en espérant que notre soutien au Roi le convainque de nous appuyer contre l’Empire. Je vois que vous aussi avez recruté parmi mon peuple. Elle regarde Matémorh et Glahul.

Raya : « Je ne me rappelle pas vous avoir rencontré sur les îles. Vous êtes de quelle région? »

Glahul : « Euh, c’est un petit hameau pas très connu. Je vous assure, nous aussi nous fuyons l’oppression des autorités de Dalryada. C’est une histoire compliquée, mais Matémorh préfère que j’en parle pas. Et nous aimons pas trop l’Empire aussi si vous voulez...et... »

« Raya McRaft! »

Raya : « Henryk m’appelle. Je vais lui glisser un mot à votre sujet. »

Elle entre dans la tente d’état major, une grande tente rayée de blanc et rouge. On discute pour passer le temps. Je commence :

« Vous avez vu au Trollball? Ils ont changé les règles juste pour nous. Les guérisseurs reviennent maintenant en vie à chaque point. »

Matémorh : « Ouais, et nous allions gagner encore une fois, si ce n’avait été de la merveilleuse idée de Glahul. »

Glahul : « Euh non pardon, c’est grâce à mon idée que nous allions gagner! »

Moi : « Glahul, armer les guérisseurs de dagues aurait pu nous permettre de gagner, mais cela nous a surtout fait disqualifier. »

Glahul : « Bon bon bon. Si vous préférez que j’arrête de faire des suggestions, je me tais comme Ragash et je deviens inutile. »

Ragash : « Grrr ».

Glahul : « Euh non Ragash, c’est pas ce que je voulais dire. Tu sais que tu es mon préféré! J’ai crié pour toi dans ton combat avec Bacchus! ».

Raya sort de la tente. Elle me sourit. Elle passe à côté de moi et me dit :

« J’ai rappelé à Henryk le dénouement de notre dernière rencontre en Jodogne. Il devrait être attentif à vos propositions. Nous avons besoins d’hommes pour chasser les orques. N’importe quel type d’homme. »

Elle me fait un clin d’oeil.

« Allez-y, c’est à vous.»

Nous entrons dans la tente de commandement. Tous les officiers andoriens ont les sourcils plissés. Henryk fait un sourire forcé.

«  Entre Gorghor, bienvenue. Il paraît que tu serais intéressé à joindre nos rangs cette fois? »

« Salut Henryk. Tu as vu ce qu’on pouvait faire au château d’Illendel. On peut faire la même chose pour toi, mais il faut nous payer. »

« Très bien. Et à quel genre de paiement vous vous attendez? »

Matémorh : « De la bière! »

Gorghor : « Ouais, de la bière. »

« Grrr ». Ragash fait des ronds avec ses mains devant son ventre.

Bacchus : « Ragash?… Ah! Des tonneaux de bière! ».

Ragash hoche la tête. Il sourit peut-être derrière son masque.

Henryk : « Hum. Les règles de l’armée royale sont strictes, il est interdit de fournir de la bière aux troupes avant le combat. Est-ce qu’il y a autre chose que vous voudriez? »

Gorghor commence à se lever.

Moi : « Les négociations n’auront pas été longues. »

Nos hommes se lèvent pour quitter. Un officier chuchote à l’oreille d’Henryk.

Henryk : « C’est bon Gorghor, je verrai ce que je peux faire pour te trouver de la boisson.»

Gorghor se rassoit. Le reste de la bande fait de même.

Bacchus : « Des femmes! »

Gorghor : « Ouais, des femmes. »

Henryk ravale sa salive. Des officiers protestent. Gorghor regarde derrière lui vers la porte.

Henryk : « Nous représentons le roi Solar. L’esclavage a été aboli en Andore. Les femmes andoriennes sont libres. En tant qu’officier de l’armée royale, je ne peux m’abaisser à vendre leur derrière. »

Gorghor : « C’est ton derrière qui risque de se faire abaisser si on vous bat sur le champ de bataille. J’pense pas que ça va déranger le Seigneur des Marais que j’en use. »

La tension monte, certains officiers seraient prêts à commencer le combat ici et maintenant. C’est trop vite, on n’a pas eu les offres de l’autre camp. J’interviens :

« Messires officiers du Roi. Gorghor ne vous demande pas de lui prêter vos épouses, il veut seulement manifester son appréciation pour la gent féminine. Il existe des femmes dont c’est le métier que de soulager les hommes pour de tels besoins. Malgré vos visages contrits, j’imagine qu’il y en a dissimulées à proximité de ce camp. Sans doute pourrions-nous en partager l’usage. »

Les officiers se consultent quelques minutes. Henryk :

« Si vous acceptez que cette clause ne demeure connue que de nous, nous pourrions probablement y arriver. »

Gorghor sourit.

Glahul : « Premier pillage! »

Gorghor : « Ouais, après la victoire, c’est nous les premiers à piller et à prendre le butin ».

Cette fois, les officiers semblent trouver cela drôle. Henryk les regarde et tout le monde hoche de la tête.

Henryk : « Si vous voulez prendre les breloques des orques, cela n’est pas un problème pour nous. »

À mon tour : « Un titre de noblesse! »

Gorghor hoche la tête en accord.

Encore une fois, les officiers discutent entre eux quelques minutes. Ils pointent différents endroits sur une carte. Henryk :

« Cela tombe bien pour toi, Gorghor, car le Roi Solar a promis de me remettre la province de Brabancourt si je vaincs l’ennemi. Je disposerai donc de nombreux domaines, et je pourrais te remettre la baronnie de Domus. »

Il sourit de nouveau, il croit s’en tirer à bon compte.

Gorghor me fait signe d’approcher. Il me chuchote en privé :

« Robert, si j’suis baron, j’veux que toutes les femmes chez nous soient mes femmes. Sans qu’ils puissent m’enlever mon titre de baron. Comment ça s’appelle? »

Moi, à voix haute : « Primae Noctis sur Domus. »

Tous les sourires disparaissent de l’autre côté. Le droit de cuissage a été aboli il y a bien des années en Andore. Il est jugé tout à fait contraire aux aspirations chevaleresques de la noblesse de Claircastel. Gorghor me sourit. Même s’il ne comprend pas le terme, il peut mesurer que j’ai bien demandé ce qu’il voulait.

Un messager entre dans la tente. Il demande à parler en urgence à l’état-major. Henryk :

« Gorghor, je devrai réfléchir à ta demande. Pourrais-tu nous laisser en débattre seuls quelques minutes?... »

Gorghor : « Pour moi t’a oublié ce qui est arrivé la dernière fois que t’as réfléchit à notre proposition. »

Henryk baisse les épaules.

« C’est bon Gorghor, tu peux rester, mais laisse-moi écouter ce que le messager a à me dire. »

Ils essaient d’être discrets mais on comprend l’essentiel du message. La Légion Infernale, la Kabbale et même quelques celtes se sont encampés avec les orques. C’est pratiquement la moitié des troupes dans la région. Henryk essaie de rester concentré, mais il n’arrête pas de regarder Gorghor à intervalle, comme s’il considérait à chaque fois l’engager, mais n’arrivait pas à s’y résoudre. Finalement, ce sont ses officiers, à force de faire un décompte des armées des deux camps, qui insistent pour recruter notre bande. Leur argument est simple : « On verra les détails avec le Roi plus tard, si Gorghor est toujours vivant après le combat ».

Henryk, résigné : « Si tu n’as pas d’autre condition, Gorghor, nous acceptons de t’engager avec nous. »

C’est une brute, mais Gorghor sait quand il a tiré tout ce qu’il pouvait de son vis-à-vis.

« Marché conclut Henryk. »

Henryk s’approche pour serrer la main de Gorghor. Gorghor le repousse en faisant non de la tête. Une fois de plus le visage d’Henryk passe du sourire à l’inquiétude.

« C’est pas en serrant la patte que je conclus des ententes. Chez nous, il faut partager un repas pour conclure de quoi. On est pas obligés de faire un banquet, mais il faut manger ensemble. Les gars, y’as-tu quelqu’un qui a de la bouffe? »

Lassik sort un oignon cru de sa poche et le tend à Gorghor. Gorghor sourit. La face d’Henryk s’ennuie de sa maman. Gorghor prend une bonne croquée et le tend à Henryk. Il a l’air désemparé, le pauvre, il regarde ses officiers et n’a pas l’air de savoir quoi faire. Ils lui font des signes de main pour l’encourager à procéder. Henryk croque l’oignon. Les hommes de Gorghor s’exclament de joie.

Gorghor sait quand il a tout tiré, mais il prend aussi un vilain plaisir à tirer un peu plus. Henryk rêvera probablement de ce jour pendant des années.

VIII. Bacchus

Gorghor Baey

X. Glahul