Approuvé par son Altesse Sérénissime Karl Von Shlaffenmark 1er
Gloire à Son Altesse Sérénissime!
IV. Robert

Anlésy-les-bois, Province de Jodogne, Andore, 996


« Pour avoir usurpé le titre de baron, pour avoir faussement récolté la taille au nom de nostre bon Seigneur Illendel, pour avoir trompé le prévôt Portefruit, pour l’avoir battu et laissé pour mort quand il éventa le subterfuge, pour avoir escroqué l’aubergiste Pacifique Dardenne et avoir forgé un faux édit sur la gratuité du séjour des envoyés royaux, pour avoir… »

Bon, je me suis déjà fourré dans des situations difficiles, mais cette fois, on dirait que c’est la bonne. Si Don Miguel me voyait, il dirait bien qu’il savait que c’est là que je finirait. Ce qui me pue le plus au nez, ce sont ces misérables paysans croûteux qui sont là pour applaudir et se réjouir de mon malheur, alors que mon orteil crasseux vaut mieux que le meilleur d’entre eux.

«  ...Je vous condamne, Robert prétendument d’Arras, à être pendu haut et court sur le champ. Avez-vous un dernier mot avant de trépasser? »

C’est ma dernière chance, mais c’est ce à quoi je suis le meilleur. La hart au cou, debout sur le banc de la potence, je ne peux pas tomber bien plus bas. Allons-y pour le grand jeu :

« Chers loyaux et fidèles vassaux de nostre bon Seigneur. Je comprends vostre confusion quant à ma situation, et pourtant elle est simple à résorber. Il est vrai que j’ai menti sur mon nom et ma mission, mais jamais sur mon rang. Je suis en fait le Baron Robert de Loach, ambassadeur secret envoyé par vostre bon Seigneur Illendel pour tester la loyauté et la probité de vostre prévot et de la magistrature locale. Je - »

« Bou-hou! Pendez-le! À mort! »

Les huées montent. Plus personne ne m’écoute. Le bourreau argumente avec le magistrat. Bon, il fait taire la foule…

« Bonnes gens, écoutez. La loi prévoit que le condamné ait droit à un dernier mot. Je suis moi aussi las des mensonges de cet usurpateur, et je vais couper court à son discours. Robert se disant de Loach, avez-vous des preuves de ce que vous avancez? »

Ma botte secrète. Le tout pour le tout :

« Noble officier de justice, je vois bien là vostre clairvoyance et vostre droiture. Il est bien juste d’exiger des preuves à mes prétentions, et je puis vous les fournir aisément. Je fais partie de l’Ordre secret de l’Anneau de feu, et une bague d’or, cousue dans la doublure de ma botte, témoigne de mon appartenance à cet ordre.Vous devez tous savoir que d’exécuter un membre de l’Ordre de l’Anneau de feu vous mènerait directement à l’échafaud... »

Le magistrat fronce les sourcils et envoie le bourreau me débotter. Du coup, la corde est un peu plus serrée.

Le bourreau trouve la bague. Il la montre au magistrat. Ce dernier a un regard suspicieux. Le prévôt monte sur l’échafaud. La foule s’impatiente. Certains veulent ma mort, d’autres veulent voir la bague. Le magistrat voudrait reporter mon exécution, il préférerait qu’on prenne le temps de s’informer sur l’Ordre de l’Anneau. Le prévôt voudrait qu’on en finisse tout de suite. La plèbe essaie de monter sur l’échafaud. Le magistrat gifle le prévôt. Les gardes essaient de retenir la foule. Le prévôt met sa dextre au visage du magistrat. Des gens sont montés sur la potence, certains sont aux coups. Le magistrat se fait aller les bras, il crie au bourreau de me détacher! Je suis sauvé!

« C’est ma bague! »

Silence soudain. Un bourgeois est monté sur l’échafaud. Je le reconnais.

« Cette bague est à moi! Elle m’a été dérobée la semaine dernière! Voleur! »

Je suis cuit.

Le banc est frappé de sous mes pieds.
La corde me serre la gorge.
C’est la fin…

...

« GLAHUL! »



« GLAHUL, MAINTENANT! »

Je tombe assis, à demi conscient. On a coupé la corde. Je peux respirer! C’est le chaos le plus total sur l’estrade. On se bat de tous les côtés. Deux hommes, habillés à la celte, me prennent par les bras pour m’aider à me lever.

« Allez, debout, salopard. On a besoin de gars comme toi dans la bande. On prend que les meilleurs, et clairement tu es un champion. »

« Mais qui êtes-vous? Pourquoi?»

« Tut-tut-tut silence pour tout de suite. Tu as qu’une chose à savoir : tu dois ta vie à Gorghor Baey. Maintenant, grouille-toi le cul avant qu’ils te voient disparaître. »



III. Glahul

Gorghor Baey

V. Don Miguel