Approuvé par son Altesse Sérénissime Karl Von Shlaffenmark 1er
Gloire à Son Altesse Sérénissime!
Hyronimus

Historique | Faits d'armes

Je suis le moine Hyronimus, scribe du puissant chef-mercenaire Gorghor Baey. La réputation de mon maître n'est plus à faire, il est reconnu à travers tout l'Empire comme étant le plus impitoyable guerrier qui soit. Son seul nom évoque la terreur. Il est déjà objet de légendes qu'on se raconte autour du feu pour se faire peur. Aux petits enfants turbulents on dit: « Soit sage, sinon Gorghor Baey viendra te chercher et te manger! ». Pour avoir été au service de mon maître depuis le début de l'an 998, je peux vous affirmer que le mythe ne lui rend pas toujours justice... Le Gorghor Baey que je connais est bien plus sanglant...

On me demande souvent: « Comment un moine peut-il se retrouver au service d'un chef comme Gorghor Baey? ». Dans cette chronique, j'ai pensé répondre à cette question milles fois posée...

Mon récit débute au Monastère de Saint-Arnould. St-Arnould étant le saint-patron de la bière, il n'est pas étonnant que le petit monastère portant son nom fut réputé pour la qualité inégalée de la bière que les moines y produisait. En effet, les terres entourant le monastère étaient particulièrement propices à la culture de céréales de haute qualité. Aussi, le monastère était bâti sur le site d'une source d'eau d'une pureté et d'une fraîcheur digne des dieux!

C'est au Monastère de Saint-Arnould que j'ai vécu presque toute ma vie. Tout ce que je sais de mes parents c'est qu'ils m'ont abandonné sur les marches du monastère peu de temps après ma naissance. Ce sont les bons moines de Saint-Arnould qui se chargèrent de mon éducation. Ils m'apprirent à lire et à écrire. Découvrant que j'étais plutôt doué pour les lettres et la linguistique, on m'enseigna aussi plusieurs langues et dialectes. Je démontrai également beaucoup d'intérêt et d'aptitudes dans mes études en théologie et en philosophie.

Lorsque mon noviciat fut achevé, on m'assigna tout naturellement au scriptorium. Mais j'étais piètre copiste et encore pire enlumineur. Heureusement, au fil des années, ma curiosité sans bornes m'avait bien servi et j'avais accumulé des connaissances dans le domaine de la botanique et en particulier dans l'art de l'herboristerie. Je devint donc l'assistant de Frère Levaque, notre apothicaire.

Mais tout cela ne suffisait pas à étancher ma soif de savoir. Jusqu'au jour ou le Frère Levaque me parla à mots couverts de la Bibliothèque Invisible, c'est à dire les archives secrètes, interdites et qui « n'existaient pas ». Aidé par les instuctions de notre apothicaire, je me mis à faire des randonnées nocturnes où je me glissait furtivement dans les passages secrets qui menaient au mystérieux et très ancien sous-terrain qui abritait la Bibliothèque Invisible. C'était un vaste labyrinthe de hautes étagères contenant moultes et moultes volumes et parchemins poussièreux. Le tout se trouvait dans ce qui semblait être les vestiges d'un temple ayant appartenu à une civilisation inconnue et oubliée, tant l'architecture ne ressemblait à rien de ce que j'avais pu apprendre. Certes, j'y ai bien consulté quelques parchemins de sorcellerie, des codex d'invocations, plusieurs traités d'alchimie, mais ce n'est pas vraiment la puissance de la magie qui m'attirait, mais plutôt la signification caché des symboles, les clefs de la cryptographie, la sagesse mystérieuse des runes...

Au début de l'an 998, un templier-inquisiteur du nom de Vittorio De Medicis se présenta aux portes de notre monastère et demanda l'hospitalité, ce qui lui fut immédiatement accordé. Aussitôt arrivé, l'inquisiteur expliqua avoir été envoyé par des hauts dignitaires de l'Église pour enquêter sur de prétendues hérésies commises dans le Monastère de Saint-Arnould. Il est vrai que notre ordre n'était pas le plus strict, ni le plus rigoureux, mais nous étions un ordre charitable orienté vers les valeurs de partage, d'acceuil, de générosité. En peu de temps, Vittorio De Medicis réussit à exercer son influence mystique sur les dirigeants du monastère et à détourner l'esprit de notre ordre pour la plonger dans une espèce de frénésie fondamentaliste. Une nuit, alors que la ferveur fanatique était à son summum, le templier-inquisiteur me surpris lors de l'une de mes escapades à la Bibliothèque Invisible. Le pire cauchemar de ma vie atteignait son paroxysme.

Dès le lendemain matin, on improvisa un tribunal religieux afin me juger et de me trouver coupable. Pendant des jours, on me fit subir les pires tortures et, comme je n'étais qu'un simple mortel, j'avoua tout ce qu'on voulu bien me faire avouer. Lorsqu'ils furent questionnés à charge de témoins, les supérieurs de l'Ordre de Saint-Arnould démontrèrent un instinct de survie plus fort que leur sens de l'intégrité et ils nièrent tous avoir eu connaissance de l'existence de la Bibliothèque Invisible. Seul le Frère Levaque, un des rares moines à ne pas avoir été subjugué par le templier-inquisiteur, répondit la vérité. On le condamna à être brûlé vif. J'eu droit à la même sentence. Comme le tribunal jugeait que le frère Levaque avait commis une faute plus grave étant «...responsable de ma perversion...», il fut décidé qu'il passerait au bûcher en premier.

Je peux affirmer, sans le moindre doute, que la pire des tortures que j'eu à endurer fut de voir mon ami être transformé en un infernal feu de joie pour le plaisirs d'une bande de fanatiques en crise d'hystérie, de sentir la repoussante odeur de sa chair se consumant comme une chandelle de suif qu'on aurait jeté dans l'âtre, et surtout, d'entendre ses cris abominables dont l'écho me hante encore aujourd'hui...

Pour ma part, le jour ou je devais passer au bûcher, le monastère eu la mauvaise surprise de recevoir une visite pour le moins « inopportune »...

En effet, c'était un bel après-midi d'été particulièrement chaud. Une bande de mercenaires, qui avait entendu parlé de la réputation des maîtres-brasseurs de Saint-Arnould, se présenta au portail du monastère en exigeant de la bière pour leur chef qui avait soif. Les moines, se méfiant de l'allure inquiétante des mercenaires, firent la grave erreur de leur refuser l'ouverture du portail...

On entendit d'abord un murmure, quelque chose qui ressemblait à un mantra... Puis, le ton se mit à amplifier de plus en plus, on pouvait alors déterminer que les mercenaires scandaient le nom de leur chef... Les coups de haches commencèrent à entamer le massif portail... À ce moment les cris de guerre des mercenaires était si puissants qu'on avait peine à entendre la lourde cloche de la chapelle qui sonnait l'alarme... Le portail vola en éclats et le massacre commença... Les épées, les haches, les lances tranchaient, perforaient, débitaient toutes les robes brunes affolées qui courraient, en vain, dans toutes les directions... Le sang giclait de toutes parts... Le carnage se rythmait au son du mantra des envahisseurs: « Gor-Ghor-Baey! Gor-Ghor-Baey!...»

Bientôt, je fut le seul moine encore vivant. Un immense mercenaire cagoulé de noir, s'apprêtait à me hacher menu lorsque j'entendis une voix crier: « Hé! Ragash! Il faut en garder en un vivant! » Le silencieux mais menacant guerrier freina son élan, le fil tranchant de sa hache s'arrêtant à un cheveu de ma tonsure. Celui qui avait parlé s'approcha. De taille plus modeste que son compagnon, il portait le kilt et avait la moitié du visage peint en rouge. L'imposant guerrier masqué, en colère, se mit à grogner des paroles que seul son compagnon semblait comprendre. « Oui, je sais Ragash... Mais Gorghor a dit qu'il lui fallait un nouveau scribe! Tu sais bien ce qui est arrivé au dernier...», répondit celui qui avait le visage comme une demi-lune de sang. Celui-ci pointa alors la pointe de son épée courte sur ma poitrine et me dit: « Écoute bien, le moine, je vais te poser trois questions mais je ne veux qu'une seule réponse de trois lettres maximum! C'est compris? » Je hochai affirmativement de la tête. Satisfait, il me posa ses trois questions d'un seul trait. « Sais-tu lire et écrire? Sais-tu utiliser un sablier de guérison? Veux-tu rester vivant? »

Vous aurez deviné ce que je répondit à celui que j'allais connaître sous le nom de Glahul. Par ce mot de trois lettres, j'allais offrir ma vie au service du puissant et terrible Gorghor Baey.

Il m'arrive parfois, le soir, autour du feu de l'antre, de questionner mes nouveaux frères sur le sort de mon prédecesseur. Invariablement, tous les regards se tournent alors vers Gorghor. Puis, la horde au grand complet éclate en rires tonitruants... Ça me glace le sang à chaque fois...