Le sceptre de la discorde (Bicolline) Kazarun connaissait un printemps trouble. La vague d'espoir causée par l'élection d’une nouvelle princesse, Catherine Sommers, fut ternie par l'excavation accidentelle (ou pas, selon certaines théories complotistes) de l’antre du démon ailé Molorog. Depuis, les autorités sudistes étudiaient chaque éventualité, aussi alambiquée soit-elle, pouvant permettre de l’abattre ou de l’apaiser. Un matin, fut mentionné en conseil l’existence du bâton de Garon-Ga. Cet artéfact, émanant légendairement de l’ancien peuple Dulgare, fut d’abord redécouvert dans un caveau des souterrains de Gotwald il y a une dizaine d'années, avant de passer par les mains des plusieurs mages, qui, étrangement, ne firent jamais de recherches approfondies sur ses capacités. Or, l’espérance que celui-ci puisse servir contre ce «Molorog» était caduque, car le bâton fut tristement déclaré perdu durant l’hiver, suite au déménagement vers Kafe de la cour du prince sortant, Alphonse de la Vigne.
C’est ainsi que dès la fonte des neiges, l’Aile Noire, guilde sudiste à forte tradition martiale, fut dépêchée sur la trace du bâton. La princesse Catherine engagea en support La Confusion, funestement sans leur partager l’objet réel de la mission. Cette guilde de soudards farouchement indépendante fondée par le spadassin Friedrich Drei Von Shliefen, dorénavant prince d’Ozame. Compagnie si autonome, d’ailleurs, qu’elle était une des rares non engagées dans la guerre faisant rage sur les terres du centre, Gerulf Barca, capitaine de l’Aile Noire, soupira lorsqu’on lui annonça la nouvelle, tenant en faible estime le mercenariat, mais ses capitaines le rassurérent du fait que la loyauté à l’or est au moins, prévisible.
Plusieurs semaines passèrent, alors que les l’Aile Noire tentait de retracer la piste du bâton, sur les traces de la caravane ayant transporté les effets du prince-émérite de Kazarun jusqu’au au port de Darganof. Les mercenaires de la Confusion faisaient office de tirailleurs, protégeant les flancs contre la menace des hommes-rats et des brigands. La fraternisation entre les deux groupes, culturellement distincts, fut légère, facilitée par un amour commun de la chose martiale. Chaque soir, les deux guildes montaient leurs campements à portée de flèche, sans pourtant que flèche ne fuse.
Un bon après-midi, le sort voulu que ce fut les éclaireurs de la Confusion qui trouvèrent l’objet, planté dans le sol comme si tombé d’une charrette. Von Shliefen annonça la nouvelle en personne à son homologue Barca, dont les yeux s’ouvrirent grands. «Ce bâton est l’objet de notre mission, prince Friedrich. Remettez-le-moi sur le champ, je vous en prie; au nom de l’honneur et du devoir.»
«Notre contrat était pour l’escorte d’un convoi, il n’était aucunement question d’un objet occulte. Il s’agit donc d’un butin de guerre, acquis légitimement par mes soldats! Néanmoins, je vois l’intérêt que vous portez à ce bâton et je suis prêt à vous le céder, en signe d'amitié, pour la modique somme de 1000 solars! Voyez celà comme un bonus à la performance, car nous avons dépassé les termes de notre accord!»
Barca resta silencieux quelques instants, visiblement estomaqué par le culot de l’homme, avant de demander la nuit pour y réfléchir.
Au matin, les cors de guerre sonnèrent de part et d’autre de la vallée, et les soldats s’armurèrent à la hâte. |
